« Paroles de père : On n’est pas Hercule »

Moïra Mikolajczak, Ph.D. & Isabelle Roskam, Ph.D.

Ce n’est pas parce que les pères expriment moins leurs émotions qu’ils n’en n’ont pas !

« On est pas Hercule non plus ». Ces mots sont extraits d’un entretien mené par Alexandra Shpak dans le cadre d’une étude portant sur les facteurs d’épuisement des pères.

Entre autres choses, cette étude met en exergue la souffrance que ressentent les pères de ne pas pouvoir exprimer leurs émotions.  Les pères disent qu’ils ne s’autorisent pas à exprimer leurs inquiétudes ou leur souffrance de père car ils s’efforcent d’être cet homme fort qu’on attend qu’ils soient, de rassurer leur épouse…

Pourtant, eux aussi s’inquiètent quand leur enfant ne rentre pas ou se met en danger, quand il souffre de problèmes de santé…

J’ai un fils qui a une corpulence comme ça (NDA : il mime un garçon bien charpenté) et qui a 24 ans, mais quand il part, ça me stresse encore. S’il me dit qu’il rentre, (…), mais que je me réveille à minuit et qu’il est pas là (…) bah ça commence à cogiter. »

Eux aussi souffrent dans leur rôle de père…

« J’étais à deux doigts de craquer, de pleurer et c’est terrible ! Ma femme pouvait nourrir ma fille, mais moi y a un blocage, y a un refus, je pouvais pas, elle voulait pas, elle refusait que je la nourrisse moi…. C’est violent. C’est violent je trouve, pour un papa. »

Mais ils ne s’autorisent pas à exprimer qu’ils souffrent.

Plusieurs de ces pères dénoncent l’image de l’homme selon laquelle « tu peux pas te plaindre, tu peux pas pleurer, tu dois être fort »

Et expriment à quel point cette image les empêchent d’accepter ou d’exprimer leur fragilité :

« Parce qu’au bout d’un moment, c’est bien, mais on est pas Hercule non plus. À un moment donné te dire que t’en peux plus et assumer tes larmes, c’est pas simple. Vraiment pas simple (…) Même si tu te dis “oh ça fait du bien”, t’as quand même toujours peur qu’on te dise “oh tapette” »

… voire même de se faire aider…

« Je sais que pour cette génération, se faire aider, surtout chez les hommes, c’était un signe de faiblesse. C’est absolument pas la réalité (…) On n’est pas différent des femmes fondamentalement à ce niveau-là et on a tout à fait l’intelligence mentale et émotionnelle. Je pense qu’il faut avoir l’ouverture d’esprit pour se dire “ok, je vais le faire et je suis pas une mauviette pour autant” »

Et pourtant, comme le dit le papa ci-dessous, un papa c’est pas incassable et un papa, ça ne sait pas tout affronter non plus…

« Ça pas été simple, mais mes enfants m’ont déjà vu pleurer. Parce que j’ai perdu ma grande mère et j’étais triste,… (…) papa peut être fragile aussi et papa peut avoir du mal,… un papa n’est pas incassable, entre guillemets, et ne sait pas toujours tout affronter non plus. Et ça c’est,… c’est bien qu’ils le sachent, même si c’est pas toujours simple. »

Nous, femmes, demandons aux pères d’être tout (et son contraire): des pères impliqués, sensibles, attentionnés ET des rocs infaillibles sur lesquels nous appuyer…

L’exercice est périlleux… Et certes, de plus en plus d’hommes y parviennent… Mais à quel prix ? Sans aucun doute celui de mettre leurs émotions en sourdine…

Ce n’est pas parce que les pères expriment moins leurs émotions qu’ils n’en n’ont pas ! Ne l’oublions pas… Car les pères aussi ont besoin de soutien dans leur parentalité…

 

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